lundi 19 décembre 2011

Comme il Faut...

Pourquoi ce titre allez-vous me dire ? Simplement un petit clin d'oeil à l'industrie du tabac local, Comme il Faut est en fait la marque de cigarette d'Haïti (depuis 1927). Cette société haïtienne est dirigée par une compagnie américaine (Lukett inc. de Louisville) mais la production est bien restée en Haïti (ouf). Pourquoi Comme il Faut, là par contre je suis incapable de vous répondre... mais le nom m'a amusé et des cigarettes comme il faut, bizarre non, ... faut-il les fumer comme il faut ? Mystère !





Nous voilà bientôt arrivés à cette fin d'année 2011, le temps d'établir un premier bilan de 4 mois de mission en Haïti, je rentre au pays pour les fêtes de fin d'année, revoir les miens, retrouver mes racines, faire un break, me ressourcer un peu...
Les progrès de ma mission pourraient se résumer à des pas d'un gros chat qui décide souvent seul de ce qu'il veut faire, soit avancer, soit se poser là et contempler le temps qui passe. La motivation des équipes n'est pas tous les jours la même, il est donc parfois difficile de composer avec l'envie de chacun ... mais rien de désespéré, certaines habitudes commencent à prendre racine, le temps fera le reste...
De chouettes rencontres aussi, des Haïtiens (les chauffeurs, le personnel du laboratoire, l'équipe responsable de l'immeuble où se trouve ma location, ...) et des collègues de l'ONG CHAI (équipe internationale: des Américains, une Canadienne, des Français, un Rwandais, une Écossaise, ..), un mélange de cultures très différentes, une belle école de la vie. 
Difficile de mettre des mots sur mes sentiments au terme de ces 4 premiers mois, à la fin de ma mission (6 mois au total), il sera sans doute plus facile de dresser un tableau plus abouti...
J'avoue qu'une fatigue physique et fatigue mentale sont bien perceptibles, le travail sur le terrain m'a demandé beaucoup d'énergie et je ressens un besoin réel de reposer mon corps et mon esprit ...
Je vais donc vous abandonner déjà, terminer mon bagage, ramener en Belgique ce que je n'ai pas utiliser pendant 4 mois (!) ... et revenir avec moitié moins de vêtements. C'est incroyable comme on embarque toujours beaucoup trop de tissu et autre accessoire inutile ..., que ce soit pour un City-trip de 3 jours ou pour des vacances d'un mois ... 


Mais je ne vous abandonne pas sans vous laisser dans vos oreilles un morceau de musique qui symbolise assez bien mon séjour ici en Haïti.. je m'explique:
Je me rends très souvent au laboratoire avec mon collègue Vikram (Américain, Indien d'origine) et tout comme moi, il est 'branché' musique, il est d'ailleurs devenu incollable sur la musique haïtienne et les groupes locaux de compas et autre bossa-nova. Il branche donc souvent son i-Pod dans la voiture qui nous accompagne jusqu'au laboratoire et un groupe anglais fait souvent partie de sa sélection. Je trouve qu'il colle assez bien à l'ambiance du moment, à cet instant de décontraction que nous avons dans la voiture, surtout que c'est pas nous qui conduisons !! Et que les blocus ('bouchons') allongent bien souvent les parcours de plusieurs minutes.... 
Il s'agit de UB40, mélange de musiciens de reggae originaires de la Jamaïque notamment émigrés en Grande-Bretagne avec des jeunes Anglais de Birmingham (ils représentaient assez bien ces jeunes qui ne voyaient que le chômage comme perspective d'avenir durant les années Tatcher). UB40 a su donner un nouveau son (plus européen) et un nouveau rythme à des anciens morceaux de reggae des années 60/70. Car il faut savoir que la plupart des tubes de UB40 ne sont en fait que des reprises, mais ma foi très bien foutues ... 
Le groupe tourne toujours, avec un son plus pop et quelques kilos en plus ... 
Je vous laisse donc vous remettre en tête ces morceaux qui nous ont fait danser à l'aube des années 80 ...




Et ici une vidéo avec un titre beaucoup moins connu de UB40 (encore une reprise) mais le clip montre bien l'ambiance qui existait dans les villes anglaises au début des années 80 et ces communautés afro-jamaïcaines qui se mélangeaient avec les jeunes des banlieues tristes d'Angleterre.






Salut, je vous souhaite de belles et douces fêtes de fin d'année, on se donne rendez-vous en 2012 pour la suite des aventures haïtiennes... Ciao
Fred





dimanche 11 décembre 2011

Jounen pal-anpil (Journée bavarde)

Des nouvelles de la famille et des amis ces dernières heures et ces derniers jours me rendent d'humeur bavarde ce weekend... alors aujourd'hui un pot-pourri de quelques observations de la vie haïtienne...
D'abord commençons par un petit article découvert ce dimanche sur Google actualités, je vous laisse découvrir le contenu! Surprenant et bravo à lui, initiative originale et sans autre but qu'une oeuvre de charité... et merci pour Haïti!
http://www.rtl.be/people/buzz/news/324314/un-homme-s-est-fait-tatouer-100-000-url-sur-son-corps


Quelques chiffres notés depuis le début de ma mission: 
Savez-vous qu'un technicien de laboratoire engagé par le Ministère de la Santé d'Haïti (fonctionnaire public) gagne par mois 12.300 gourdes soit plus ou moins 300 dollars américains (!). Chers collègues GSK, qu'en pensez-vous ? Bon d'accord, vous me direz que la vie n'est pas aussi cher qu'en Belgique, une mini baguette de pain revient à 40 cents US, une main de bananes-figues (6/7 bananes) coûte aux environs de 2 dollars (même moins cher auprès des marchands de rue), mais quand on sait que souvent une famille (un couple avec 2 à 3 enfants, souvent plus) doit vivre avec ce seul salaire, vous pouvez vous imaginez les fins de mois difficiles .. et qu'en plus ce mois-ci, les techniciens du laboratoire où j'effectue mon travail n'étaient toujours pas payés au 7 décembre (le versement est arrivé le 8.12), on comprend mieux parfois la démotivation des équipes sur le terrain. A titre de comparaison, un médecin employé par le même Ministère a un salaire mensuel d'environ 800 dollars US. 
Le salaire mensuel moyen en Haïti tourne autour des 250 dollars américains. Sur 8 millions d'habitants, on estime que seulement 10% de la population détient un pouvoir d'achat suffisant pour faire tourner l'économie locale ... 
Effet collatéral de cette situation, presque tous les expatriés présents ici sur le sol haïtien et qui pour la plupart travaillent pour des ONG étrangères (donc salaires étrangers) sont perçus presque exclusivement comme des planches à billets... Pas tout à fait faux, mais est-ce la solution de donner quelques gourdes à chaque sollicitation d'Haïtiens (et elles peuvent être nombreuses..), je ne le pense pas et personnellement j'ai résisté jusqu'à présent. 
Quand on apprend en plus que la perle des Antilles, nom donné à Haïti il y a des siècles de cela, était l'un des plus gros exportateurs de sucre, de café et dans une moindre mesure de cacao (des sommets atteints au cours du 18ème siècle et début 19ème). La vie en Haïti à cette époque était douce et le rhum (Barbancourt - marque locale toujours en activité) coulait à flots. Haïti n'est plus maintenant qu'une perle des Antilles pour ces paysages fabuleux faits de plages de sable fin et d'eaux turquoises et de montagnes à la végétation luxuriante. Ayiti (Haïti) signifie d'ailleurs 'Terre des Hautes Montagnes' ou 'La Montagne dans la Mer'.
Voilà pour un instantané de la vie que je perçois ici depuis bientôt 4 mois. Souvent spectateur, par ma toute petite contribution au travers de la mission que CHAI et GSK m'ont donné, j'essaye comme acteur cette fois de remonter la pente avec la population haïtienne. Rien n'est facile ici et la reconstruction du pays après des périodes de dictature et de catastrophes naturelles prendra encore beaucoup de temps.... mais combien de temps ? Qui peut répondre ? 
J'avais aussi envie de vous parler un peu des médias haïtiens, quoique à la base pas vraiment différents par rapport aux autres pays, il a toute son importance actuellement en sachant que ces moyens de communication sont assez récents en Haïti. Dictature (période Duvallier surtout) oblige, les Haïtiens n'avaient pas d'accès à des médias en dehors des informations contrôlées par le pouvoir.
Trois pôles se partagent le paysage médias en Haïti, la télévision bien sûr, avec beaucoup d'émissions transmises telles quelles (souvent avec les commentaires de journalistes locaux) provenant de chaînes françaises, américaines et sud-américaines. Il y a aussi des chaînes exclusivement de séries, de films série B, de dessins animés pour enfants et d'émissions musicales, des chaînes religieuses et enfin quelques productions locales (tribunes politiques, actions locales, ...). 
La presse écrite avec les classiques journaux, encore vendus dans les rues comme en Europe, le siècle passé .... Le Nouvelliste (plutôt indépendant) se taille la grosse part du gâteau en terme de ventes et il existe également des titres tenus par des partis politiques ...
Reste enfin la radio qui nous accompagne tous les jours lors de nos déplacements maison-bureau, bureau-labo et retour en fin de journée...

Au milieu de la multitude de radios locales (soit consacrées à la musique kompa, à la R&B américaine, ou aux chants religieux et période oblige aux chansons de Noël, ...) une émission quotidienne fait quasi l'unanimité auprès des chauffeurs et membres du personnel du Laboratoire National où je squatte un bureau lorsque je me trouve au laboratoire de l'Hôpital (voisin l'un de l'autre), elle se nomme "Intersection" sur Radio Caraïbes. C'est un peu le type d'émission 'les auditeurs ont la parole' animé par un journaliste radio vedette (Jean Monard Mettelus, le 'Jean-Pierre Elkabbach haïtien'). Durant les 2 à 3 heures (? je pense) d'émission chaque jour, nous pouvons écouter des palabres des auditeurs et invités de l'émission (palabre, terme 'africain' qui s'applique très bien ici et qui désigne dans de nombreux villages africains un endroit nommé l'arbre à palabres où les villageois se retrouvent à l'ombre pour discuter des sujets qui les préoccupent). 'Palabres' qui tournent essentiellement sur la politique haïtienne, sur la capacité ou non du nouveau président Martelly à gouverner le pays (petit rappel: ancien chanteur d'un groupe de compas - Sweet Micky - qui n'a aucune expérience politique)  et la crédibilité du tout nouveau gouvernement à mener à bien les défis qui attendent le pays ...
Je vous avoue que les interventions des auditeurs se font en créole, un peu de mal à suivre pour moi et puis cette capacité à monter en montagne le moindre petit évènement politique ou de société me dépasse un petit peu... je m'isole alors avec mes écouteurs et ma musique sur PC, car la radio est souvent à un volume non négligeable dans le bureau paysager où je suis installé ...
Mais quand on connaît la frustration historique des Haïtiens qui pendant des années n'ont pas pu s'exprimer sur la politique et autres faits de société dans leur propre pays, on comprend un peu mieux cet engouement à écouter et à participer à ce genre d'émission... c'est cela la démocratie et la liberté, espérons que cela restera ainsi et si cela vous dérange, vive les i-Pods !
Je vous laisse, mais sans oublier ma minute musique. Take care. Fred


Beaucoup de compilations et d'intégrales sur mon i-Tunes. Une intégrale prend une place importante pour moi au milieu d'autres qui sont soit assez inégales soit que je n'écoute plus avec autant d'attention. C'est l'intégrale de The Police, merci à mon ami RV (fan de la première heure) et une 'spéciale dédicace' à ma grand soeur qui en passant en boucle les premiers albums de The Police à la maison, a du sans le savoir, imprégné dans mes gènes le son si particulier et génial de ses trois gars aux égos surdimensionnés (écoutez surtout le jeu du batteur qui manie avec merveille caisses et fûts qui garnissaient sa batterie à l'époque, mélange de sonorités reggae et pop rock). Le groupe a existé de 1977 à 1986 avec seulement 5 albums studio (1978 - 1983), ces 3 musiciens hors-pairs ont fusionner leur génie pendant ces années mais bien vite le désir de faire des carrières solos a pris le dessus avec des fortunes diverses pour chacun. On connaît la carrière immense de Sting après The Police, on connaît un peu moins la carrière du batteur Stewart Copeland consacrée à des musiques de films et des performances studio, on ne connaît presque pas la carrière solo du guitariste Andy Summers qui se limite essentiellement à des performances studio pour d'autres artistes. Ils se sont retrouvés il y a quelques années pour une tournée mondiale très lucrative mais sans pour cela envisager un nouvel album ...


Bonne écoute... A+
Vidéo de 1979 - Live aux Pays-Bas pour l'émission Countdown















samedi 10 décembre 2011

Anpil Mizik! (Beaucoup de musique!)

Amateur de musique, vous avez déjà pu vous en rendre compte, je me devais de partager avec vous ma découverte de la musique locale haïtienne, de concerts vus ici à PAP et les influences musicales des chanteurs/groupes actuels sur l'île des Caraïbes.
Le style musical par excellence d'Haïti se nomme le Compas direct (Konpa ou Kompas), inventé dans les années 50 par un musicien haïtien, influencé par le Merengue des voisins de la République Dominicaine et le Calypso des îles voisines. Le Compas faisait danser toute la population lors des bals haïtiens qui étaient alors la seule distraction autorisée par la dictature des présidents Duvalier. Musique entraînante et joyeuse, agréable à l'écoute, le Kompas vous fait penser au soleil haïtien et aux plages aux eaux bleues et chaudes ... des groupes comme Nu-Look ou Djakout#1 sont les stars actuelles du Konpa en Haïti. Bon, je vous le concède, de temps à autre,  les solos de synthés font plus penser à l'orgue Bontempi qu'on recevait à la Saint-Nicolas qu'à de la grande composition et puis en Europe ou dans le Grand Nord, sans le soleil, le Kompas passe peut-être un peu moins bien ... mais musique sans prétention, elle vous fait danser et c'est cela le plus important.


A côté de cette musique traditionnelle, on a aussi toutes les influences du monde (pays les plus proches surtout) qui se rencontrent en Haïti. L'influence la plus importante est sans conteste la R&B made in USA... on en pense ce qu'on veut, mais moi j'avoue je ne suis pas fan, surtout des clips où les grosses cylindrées côtoient les filles en bikini ou vice et versa c'est selon la cylindrée .. et au milieu de tout cela le chanteur à la casquette de travers fumant le cigare ou tripotant la chaîne en or ou autre chose si affinité (j'ai osé!..)...on en oublie presque d'écouter la chanson ... Mais malgré tout cela, un morceau ou l'autre attire l'attention et fait danser la jeunesse haïtienne. La fureur du moment est l'artiste haïtien JPerry (si ça c'est pas américain!) avec son hit Dekole, base R&B mais paroles en créole et rythmes locaux, le cocktail parfait pour truster les Hits parades ! Écoutez, et bougez, ne vous privez pas !




Autre grande influence pour la musique en Haïti, c'est le Reggae des voisins de la Jamaïque... Des artistes locaux ont bien compris les leçons du maître Jah du monde reggae, le seul et unique Bob Marley ... 
J'ai eu l'occasion d'aller à un concert début décembre (03.12) dans le beau Parc Canne à Sucre de PAP, où se produisaient le représentant du Reggae haïtien, Jah Nesta et la tête d'affiche, le vétéran africain (de la Côte D'Ivoire) Alpha Blondy. Tous les deux ont d'ailleurs interprété un morceau de Bob Marley, ils n'ont pas renier leur principale référence...
L'ambiance y était très agréable, de belles installations dans le parc ainsi que des tables et bars qui entouraient la scène (un peu ambiance Festival Couleur Café, sans la foule et les boutiques ...), le prix d'entrée est en conséquence, aux environs de 35/40 dollars US, pas vraiment accessible à tous les Haïtiens ...
Je vous poste un clip de Jah Nesta, sympa mais cela n'atteint sans doute pas les grandes pointures du Reggae.




Et puis pour terminer, durant ma semaine concert ici à PAP, le jeudi 1 décembre j'ai eu l'occasion de découvrir un jeune artiste haïtien qui a remporté la sélection 2011 de l'organisme américain Fair Trade Music (Musique issue du commerce équitable) PeaceTones . Il se nomme Wanito, sa musique est influencée par le reggae, le Hip-Hop US,  mais pas seulement, et puis il se débrouille très bien seul à la guitare, une très belle découverte. Si vous voulez en savoir plus sur Wanito et l'action de Peacetones , n'hésitez pas à vous rendre sur le site www.peacetones.org. Durant ce concert, ambiance toute différente de celui de samedi 3.12, salle bondée, vraie ambiance haïtienne, l'entrée à 12/13 dollars permettait à plus d'Haïtiens de participer à la fête... ceci explique cela. Et puis des invités surprises, JPerry était présent et un autre jeune artiste haïtien qui monte: Belo. Bonne écoute...
La vidéo de Wanito - Blokis est une belle image de la vie quotidienne à PAP (blokis veut dire embouteillage ...) et l'utilisation des tap-tap (taxis haïtiens) ...






Malgré ce plein de musique, je ne vais pas déroger à la règle de terminer par un artiste qui fait partie de ma 'discothèque' .. et pour rester dans un des thèmes abordés aujourd'hui, je vous poste une vidéo du roi du Reggae - Bob Marley. Je ne vais pas vous faire l'injure de parler de B.Marley, on a déjà tellement écrit et raconté sur lui. Tout le monde ou presque connaît son histoire. Juste vous dire que j'ai écouté et que j'écoute d'autres artistes de la planète Reggae (notamment lors des très bonnes séquences reggae de l'émission 'Le Monde est un Village' sur la Première radio de la RTBF) , mais j'en reviens toujours à réécouter ou même à découvrir des chansons de ce génie du Reggae. Ses musiciens sont exceptionnels (écoutez attentivement la base batterie-basse qui donne toute la rythmique du son reggae unique de Bob Marley) et puis il y a Bob au chant, on sent l'émotion dans beaucoup de ses interprétations. Grand!




Merci à vous tous, à bientôt pour d'autres aventures haïtiennes...
Fred